Retour sur les tensions en Tunisie en décembre 2018
Le 24 décembre dernier, un journaliste pigiste appelé Aberrazak Zorgui publiait une vidéo de lui en déclarant : “ Pour les habitants de Kasserine qui n’ont pas de moyens de subsistance, aujourd’hui je vais commencer une révolution.’’ Ensuite, l’homme s’est suicidé en s’immolant par le feu. Cet acte a déclenché une fureur dans certaines régions du pays. Retour sur ces quelques jours qui ont beaucoup fait parler en Tunisie.
Une situation précaire dans certaines villes du pays
Cela fait déjà plusieurs années que la Tunisie fait face à la crise terroriste. Depuis la révolution en 2011, il existe plusieurs groupes terroristes qui s’attaquent aux forces de sécurité. Mais le 24 décembre dernier, c’est le mécontentement d’un habitant de Kasserine qui a beaucoup fait parler. Le journaliste Aberrazak Zorgui a mis fin à ses jours en direct suite à la mauvaise situation économique et sociale de plusieurs habitants de la ville de Kasserine.
Avant de se donner la mort, il justifiait son geste en appelant à la lutte contre la précarité dans cette partie du pays. En effet, le jeune homme déclarait que ça faisait huit ans qu’il cherchait du travail et qu’il n’en avait toujours pas trouvé. Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens compte d’ailleurs rendre hommage à ce geste en appelant une grève nationale de la dignité le 14 janvier prochain. Cela afin de dénoncer les actes de corruption et d’inégalité qui règnent dans le pays. Cette grève visera directement l’Etat.
Affrontements dans plusieurs régions du pays
Suite à ce suicide, la ville de Kasserine était plongée dans une guerre entre les manifestants et les forces de l’ordre. Cet affrontement a duré plus de deux jours (du 24 au 26 décembre). Plusieurs jeunes personnes au chômage sont descendues dans les rues pour manifester contre l’inégalité qu’ils subissent.
Apparemment, les manifestants se plaignent des promesses non tenues depuis 2011 (destitution de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali) concernant l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Et en plus de Kasserine, les affrontements se sont étendus dans d’autres zones du pays à Tebourba et Jebeniana. Ils se sont manifestés par des jets de pierres et des tirs de gaz lacrymogènes.
Bilan et interpellations
Ces heurts n’ont fait aucune victime. Néanmoins, six policiers et cinq manifestants auraient été blessés gravement. Le ministère de l’intérieur aurait arrêté une jeune personne de 18 ans qui pourrait être impliquée dans l’immolation du journaliste le 24 décembre. Et toujours selon le ministère de l’intérieur, neuf autres personnes auraient été arrêtées suite aux graves blessures contre les forces de l’ordre.
La police judiciaire travaille toujours en ce moment afin de mettre la lumière sur ces cas d’immolations. Car selon le porte-parole du tribunal de première instance de Kasserine, Achref Youssfi, plusieurs personnes seraient impliquées dans l’affaire.
Une situation politique stabilisée qui cache la vérité
Depuis 2011, la situation politique de la Tunisie s’est stabilisée. Le pays a réussi à effectuer sa transition démocratique sans le moindre trouble. Mais c’est la situation économique et sociale qui fait le mécontentement de la population. En 2017, le PIB avait baissé de plus de 10% depuis 2010 et passait de 4100 à 3700 dollars.
Aussi, les jeunes sont fortement touchés par le chômage et son taux moyen se situe autour de 15%. Sans compter l’inflation des prix et la dévaluation de la monnaie tunisienne qui réduisent considérablement le pouvoir d’achat des tunisiens. En décembre 2018, 1 dollar équivaut à 3 dinars alors qu’en 2010 il valait aux alentours de 1,43 dinar.
Youssef Chahed, le premier ministre tunisien serait lui de plus en plus fragilisé par cette situation. Le président de la république ne lui ferait plus trop confiance. Le premier ministre serait sur le sursis depuis plusieurs mois déjà. Et s’il n’arrive pas à vite redresser la barre, des décisions radicales pourraient être prises à son encontre.
2019, une année décisive pour la Tunisie
Depuis les heurts fin décembre, le calme est revenu dans le pays. Mais le 7 janvier 2019, le président tunisien Béji Caïd Essebsi a annoncé le prolongement de l’état d’urgence. Cette prolongation va donc s’étendre jusqu’au 4 février prochain. La décision a été prise après des concertations avec le président de l’Assemblée des représentants du peuple. Elle fait suite notamment à une opération sécuritaire antiterroriste survenue dans le centre-ouest du pays début janvier. Des terroristes présumés auraient été tués. Mais cette prolongation devrait être la dernière en attendant que le Parlement adopte un nouveau projet de loi réglementant l’état d’urgence.
Pour l’heure, la grève du Syndicat national des journalistes tunisiens du 14 janvier prochain pourrait marquer un tournant dans la situation sociale et économique du pays. S’ils arrivent à se faire entendre, cela pourrait être un bon virage pour l’avenir des jeunes tunisiens. Enfin, les élections présidentielles et législatives qui auront lieu en fin d’année 2019 vont être cruciales pour l’avenir de tout le pays.