Entretien réalisé par Claudie Launoy, Animatrice Fédérale des Jeunes Socialistes de la Manche

CL : Monsieur LAVILLE, en tant que chercheur et auteur de l’Economie Sociale et Solidaire, pouvez-nous dresser un portrait de son Histoire ?

J-L L : Les racines de ce mouvement remontent à la première moitié du XIXème siècle. La volonté était d’élargir l’horizon de la modernité pour toutes et pour tous. A savoir :
Volonté de prolonger l’égalité dans la vie économique et sociale
Apparition de l’associationnisme solidaire
Imbrication entre les expériences de terrain et les théories

Cette période est encore aujourd’hui majoritairement ignorée.

La deuxième moitié du XIXème siècle voit apparaître l’idéologie du progrès : Le Capitalisme est perçu comme pouvant résoudre les difficultés sociales car palliant aux difficultés économiques. On ne parle plus alors ici de la démocratie comme moyen pour l’égalité mais d’Economie. En effet, l’égalité se fait jour sous l’angle de la diminution de la pauvreté. Emerge alors la terminologie « Economie Sociale ». Il s’agit là d’un référent moral qui se distancie du monde politique. Il ne s’agit que d’un projet économique pour des entreprises non capitalistes. La conséquence de ce projet est que cela entraine une banalisation du modèle et non pas une transformation de la Société.

Les 30 glorieuses est une période d’expansion économique, des coopératives et des associations sous tutelle de l’Etat. L’Etat prend pleinement sa place et l’Economie de la première moitié du XIXème siècle devient marginale.

Dans les années 1970, on assiste à une succession de crises. La logique de progrès commence à s’effriter. Nous assistons à un retour des mouvements écologistes, féministes. L’ensemble de ces mouvements traduit une forte demande de démocratisation de l’ensemble des systèmes. Apparaît l’Economie Solidaire. Elle porte en elle une notion populaire des mouvements, une volonté de transformation démocratique. Les acteurs de cette économie affirment que le modèle économique de suffit pas. Il est nécessaire pour eux de redonner du sens au travers de la démocratisation. En effet, par exemple, rien n’empêche, sous l’économie sociale, une coopérative de produire des armes. En l’occurrence, avec l’Economie Solidaire et le sens donner au mouvement, cela n’est pas possible.

CL : Monsieur LAVILLE, qu’est ce qui pourrait inciter le décideur politique à développer cette économie ?

JL L : Lorsque la dépendance, par rapport au pouvoir politique, du capital marchand augmente, le politique perd de son pouvoir. L’Economie est désencastrée du politique. Le pouvoir n’appartient plus au politique mais aux géants économiques.
Et c’est bien ici que la problématique de la démocratisation de l’économie prend toute son importance. En effet, lorsque le politique perd de son pouvoir au travers du désencastrement de l’économie, alors les théories sécuritaires et du bouc émissaire ne font que croître. Laisser croître une économie indépendante du politique, revient à laisser croître les extrêmes politiques.

CL : Pensez-vous que pour réencastrer l’Economie dans le Politique il faille une généralisation de l’Economie Sociale et Solidaire ?

Je ne crois pas à cette généralisation. Il nous faut une économie plurielle constituée de PME, du pouvoir étatique et de l’Economie Sociale et Solidaire. Il ne faut pas ici se limiter à la question de l’emploi mais avoir un discours beaucoup plus large : comment avoir cet emploi ? Pour qui ? Pour quels services ? Quelles conditions salariales ? Etc. Certes il est nécessaire de faire progresser l’ensemble de l’économie vers ce champ mais tout en préservant la diversité, l’égalité et redistribution tout en conservant la liberté d’initiative.

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