Se focaliser uniquement sur l’offre : une réponse inadéquate

Le gouvernement poursuit une stratégie macroéconomique dite du « socialisme de l’offre », en concentrant ses efforts sur des mesures de baisse généralisée du coût du travail visant à favoriser la « compétitivité coût » des entreprises et à garantir leurs marges. C’est dans cette logique que s’inscrit le « pacte de responsabilité » annoncé lors de la conférence de presse du Président de la République, le 14 janvier dernier.

Or, la structure des entreprises françaises est diverse et leurs besoins différents. Les Petites et Moyennes Entreprises, qui représentent 99,9% des entreprises en France et 52% de l’emploi salarié, souffrent de carnets de commandes vides du fait d’une absence de demande. Les grands groupes, premiers bénéficiaires de ce type de dispositifs, ne sont pour leur part souvent pas soumis à la concurrence internationale et intra-européenne (grande distribution, secteur bancaire).

Si les exonérations de cotisations familiales permettent de restaurer les marges des entreprises, les Jeunes Socialistes partagent les réserves de celles et ceux qui affirment que les baisses de cotisations n’entraînent pas mécaniquement des créations d’emplois. Ces craintes ne peuvent qu’être renforcées lorsque Pierre Gattaz affirme : « Je ne signerai jamais que nos entreprises vont créer un millions d’emplois en contrepartie de ce pacte. Ce serait suicidaire ».

Dans un contexte économique de faible croissance et de quasi-déflation nous pensons qu’une politique de l’offre seule ne permettra pas un inversement massif et durable de la courbe du chômage. En effet, c’est en grande partie l’affaiblissement de la demande intérieure européenne, prise en ciseau entre les politiques de modération salariale, de hausses d’impôts et de baisse de la dépense publique, qui a contribué à faire fondre les marges des entreprises, notamment françaises. Nous faisons nôtres les déclarations de Paul Krugman, prix Nobel d’économie qui exhorte la gauche européenne à initier une politique de relance économique pour endiguer la progression du chômage.

Nous sommes convaincus que la compétitivité des entreprises ne peut en aucun cas se limiter à la question du « coût du travail ». Ces 30 dernières années, la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué de 12 points tandis que celle des dividendes est passée de 2,5% à 9%, un montant jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela pose donc la question du coût du capital plus que celle du travail. Le gouvernement doit donc s’attaquer au coût du capital qui grève les capacités d’investissement des entreprises.

Nous craignons de plus qu’une réduction des dépenses publiques sans précédent, de 50 milliards, ait un impact négatif sur le montant des prestations familiales et le financement de la priorité jeunesse à laquelle la Président de la République a réaffirmé son attachement.

Enfin, le coût de l’énergie, et plus particulièrement celui du pétrole, pèse lourdement sur notre appareil productif. Les importations d’énergies fossiles représentent aujourd’hui 88% de notre déficit commercial. Cette réalité met en avant la nécessité d’engager résolument notre pays sur la voie de la transition énergétique.

Les perspectives annoncées en matière d’emploi, même s’il elles paraissent élevées compte tenu des faibles variations du niveau d’emploi, sont faibles au regard du nombre de chômeurs en France et de travailleurs à temps partiel subi, qui si on les additionne, sont plus de 9 millions.

Ce constat doit être l’occasion de remettre en cause les fondements d’un système à bout de souffle tant économiquement que socialement et écologiquement.

Quelles contreparties ?

Pour les Jeunes Socialistes, réussir le pacte de responsabilité c’est établir des contreparties claires et contraignantes autour de quatre volets : la création d’emplois, la rémunération des salariés, l’investissement et la démocratie dans l’entreprise.

  • La création d’emplois de qualité

Les emplois créés devront être nombreux et stables pour inverser durablement la courbe du chômage. Il nous semble indispensable que les exonérations de cotisations patronales soient conditionnées à la création d’emplois en CDI, en limitant le nombre de contrats précaires dans l’entreprise par exemple, ou dans les nouvelles embauches. Introduisons également une surcote progressive des cotisations patronales sur les emplois précaires. La limitation du travail à temps partiel subi, prévu dans l’ANI, doit être effective dès la mise en œuvre du pacte, et ce malgré les réticences des organisations patronales. Afin de favoriser la qualité des emplois créés, les entreprises aidées doivent mettre à disposition de leurs salariés des crédits de formation pour leur permettre une meilleure évolution professionnelle.

Des mesures spécifiques de résorption du chômage des jeunes doivent continuer d’amplifier la baisse du chômage des moins de 30 ans. Les entreprises bénéficiaires du pacte doivent s’engager à embaucher un certain pourcentage de jeunes sur les emplois créés.

  • Augmenter les salaires et garantir la reconnaissance salariale des qualifications

Alors que la crise économique frappe durement les Françaises et les Français, le nombre de travailleurs pauvres s’accroit. Les entreprises disposant du pacte de responsabilité doivent s’engager à augmenter les bas salaires, ainsi qu’à encadrer l’échelle des salaires de 1 à 20, comme c’est déjà le cas dans les entreprises publiques. L’interdiction des stock options pourrait aussi faire partie des contreparties, il s’agissait d’ailleurs de l’engagement de campagne n°7 de François Hollande en 2012. Pour lutter contre le déclassement nous portons la reconnaissance des qualifications dans les conventions collectives, laissant ainsi la rémunération au montant du SMIC aux seuls emplois sans qualifications.

  • Investir pour innover et créer des emplois dans la transition énergétique

La reconstitution des marges des entreprises doit permettre de les flécher vers l’innovation et la recherche. Des mesures peuvent être prises pour contraindre les entreprises bénéficiant d’aides de l’État à maintenir leur activité en France. Leur compétitivité étant renforcée, elles pourront s’engager à pérenniser l’existant sur le territoire français, et pour certaines, à relocaliser une partie de leurs activités. Un diagnostic énergétique et écologique doit en outre être rendu obligatoire pour les entreprises de plus de 50 employés. Il devra déboucher sur la réalisation d’un plan de réduction des emissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie sur 5 ou 10 ans.

  • Favoriser la démocratie d’entreprise

Les comités d’entreprise doivent pouvoir contrôler l’utilisation des nouvelles marges dégagées, et les conseils d’administration inclure des représentants des salariés afin que ces derniers puissent peser sur des orientations stratégiques de l’entreprise.

Par ailleurs il faudra encourager le développement de l’Economie Sociale et Solidaire, où la démocratie est un mode d’organisation qui a prouvé son efficacité au travers de sa résistance face à la crise.

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