Suite aux élections européennes, retrouvez la tribune de Laura Slimani, présidente des Jeunes Socialistes, publiée le 4 Juin 2014 dans l’Humanité.

« Ah les jeunes qui ne vont pas voter… Ils ne comprennent pas la chance qu’ils ont. Ils n’ont pas connu la seconde guerre mondiale ni la guerre froide. Ils vivent dans leur monde, ces gosses pourris gâtés de la démocratie.»

Voilà la teneur de ce que j’ai entendu de la part de responsables politiques encore récemment.

Peut être.

Mais peut être aussi qu’à 73% d’abstention des jeunes il faut sérieusement se poser des questions.

Parce qu’une génération qui s’abstient autant et qui choisit le FN de plus en plus ancre durablement son rapport au politique dans la non participation.

Ce désenchantement c’est celui du verrouillage démocratique.

On a beau changer les hommes et les femmes, on a le sentiment que les politiques restent. Que la réduction de la dette vient avant la justice sociale et écologique. Qu’on ne peut pas augmenter les salaires ni aller contre la volonté des actionnaires.

Alors, les jeunes nous disent « Mais qu’est-ce que vous POUVEZ faire ? »

Mais la gauche peut faire et fait depuis 2012 : on augmente les bourses, on crée des emplois d’avenir, 60 000 postes dans l’éducation nationale, on encadre les loyers, on facilite la reprise de sites par leurs salariés, on crée une action de groupe, on rembourse à 100% l’IVG.

Cependant tout le monde perçoit la situation économique comme LA question. Elle est primordiale en effet. Seul problème : le constitutionnalisme économique instauré par nous mêmes depuis les années 1980 nous condamne à baisser le coût du travail pour espérer créer de l’emploi, jeu perdant-perdant à moyen terme.

L’autre verrou c’est le sentiment, chez les jeunes, qu’ils ne sont pas partie prenante.

Pour la première fois les générations présentes vivent moins bien que les précédentes. Les jeunes subissent le chômage à 25%, enchainent petits boulots, stages, interim et CDD, et voient leurs perspectives d’avenir sans cesse assombries.

Pourtant, sur les listes socialistes aux élections européennes, pas un candidat éligible n’avait moins de 40 ans. On parle de génération sacrifiée, et on agit au nom des jeunes en permanence, mais jamais, Ô grand jamais, on ne leur laisserait prendre leur destin en main. Comment la génération de la crise peut elle contribuer à en sortir si les portes lui sont fermées ?

Nos institutions n’ont pas à être parfaitement calquées sur la société mais elles ne peuvent lui être imperméables. Car la démocratie, c’est donner à chacun la possibilité de se saisir de son destin. Si tout est verrouillé par des notables locaux, par des élus nationaux et par des énarques, les dés sont pipés.

Il faut déverrouiller la démocratie et redonner du pouvoir au vote. Reprendre la main sur notre destin économique en reprenant à la finance le pouvoir que nous lui avons légué. Refuser un traité transatlantique qui vise à imposer des normes privées à celles des peuples. Exiger de la banque centrale européenne qu’elle place l’emploi au cœur de sa politique. Remettre en cause, dans la période actuelle, les 3% de déficit ou en exclure les dépenses d’avenir comme l’éducation ou l’investissement dans la transition écologique.

Déverrouiller, aussi, pour casser l’entre-soi politique. Les Jeunes Socialistes iront dans quelques jours à la rencontre des jeunes pour écouter ce qu’ils ont à dire sur la démocratie, et leur proposer des manières de faire bouger les choses : éducation populaire, non-cumul dans le temps, primaires à chaque élections, renouvellement de 50% des élus sortants à chaque fois, transparence de la liste des donateurs des partis.

Les jeunes ne sont pas je m’enfoutistes. Ils sont conscients de ce qu’ils font lorsqu’ils ne vont pas voter. Ce ne sont pas des cours d’éducation civique qui changeront quoi que ce soit, c’est une transformation démocratique.

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